Christos Panopoulos, le combat d’une vie pour les dieux grecs

Président de Labrys, une association qui vénère les anciens dieux grecs, Christos Panopoulos se bat pour que sa religion soit reconnue. Et regrette le regard “folklorique” posé sur ses croyances.

Lorsqu’un tremblement de terre secoue la Grèce, son premier réflexe est de prier Poseidon, divinité des Océans et des Séismes. Pour Christos Panopoulos, les phénomènes naturels ne sont que “l’expression physique du pouvoir des dieux hellénistes”. Et peu importe si la science a apporté son lot d’explications rationnelles, le polythéiste reste convaincu qu’un – ou plutôt des – pouvoirs supérieurs réglementent sa vie.

Alors, le quadragénaire aux cheveux tombants prie. Ses rites hebdomadaires ont pris racine au début des années 1990, lorsqu’il a trouvé « des réponses logiques au monde qui nous entoure et à nos relations” dans les textes mythologiques. Il a installé chez lui, dans la rase campagne grecque près de la petite ville de Némée, un autel pour rendre hommage aux déités dont il se sent le plus proche : Zeus, roi des Dieux, Poseidon et Hestia, déesse de la Famille. Les autres ne sont pas oubliés, loin de là, mais “le rapport est différent”, se justifie le père de Posidonia, 8 ans, nommée en hommage au dieu des océans.

Payer pour prier près des monuments

Las de communier seul et dans la discrétion imposée par un pays où l’orthodoxie demeure une affaire d’État, Christos s’est mis en quête de coreligionnaires. Il les trouvera au sein d’Izée, la plus grande organisation d’hellénistes d’un pays qui compte environ 4 000 pratiquants. Pendant dix ans, il luttera pour que l’association et ses pratiques soient reconnues par le gouvernement, validation qu’elle obtiendra en 2017, une première pour des hellénistes. Lui aura déjà quitté le bateau, lassé du combat politique et désireux de se “recentrer sur la pratique”.

À cet instant, il est déjà président du collectif Labrys et organise des rituels quinzomadaires pour la communauté. Mais sans la reconnaissance gouvernementale, impossible de bénéficier de lieux de culte. “On aimerait avoir des temples, des endroits où se rassembler mais c’est administrativement impossible”, regrette le dodécathéiste à la barbe fournie. La petite centaine de membres est donc contrainte de se réunir sur des lieux touristiques, comme le temple de Zeus à Némée. À deux heures d’Athènes, les pratiquants doivent tous s’acquitter des trois euros de frais d’entrée pour s’y réunir.

Les hellénistes prient en direction du temple de Zeus. @Tom Prevot

“L’État nous connaît mais ne nous reconnaît pas, déplore l’homme à la bonhomie contagieuse. On nous considère comme des fous, des folkloriques. Mais pendant des siècles, le christianisme a aussi été très mal vu. On a besoin de passer par là pour avancer.” Le mélomane, qui ponctue ses rituels par des concerts de harpe ou de cornemuse, pointe des similitudes entre les deux religions, estimant que son rôle s’apparente à celui d’un prêtre lors d’une messe. Il prie, psalmodie et chante des louanges à ses croyances, vêtu d’une tenue portant la double hache (labrys en grec), symbole présent chez les Amazones, guerrières de l’Est, en Crète et dans les mains d’Hephaïstos, le dieu de la Forge. Ses poignets vêtus de larges bracelets de métal à l’effigie de Poseidon cliquètent quand il déclame ses discours, librement inspirés des textes en grec ancien. Et l’amulette gravée de l’éclair de Zeus se soulève lorsqu’il reprend son souffle, en transe pendant les chants lancés à un auditoire à l’investissement variable.

Un pays non laïc et peu ouvert aux autres religions

Tous ces ornements, Christos ne peut pas se permettre de les porter dans son quotidien. Le lendemain du rituel, de retour dans sa société de sécurité informatique, il se comportera comme s’il n’avait pas passé la journée à vénérer des dieux moqués par la société. Sa femme, descendante de polythéistes, le soutient mais le reste de sa famille n’a pas été inclus dans la confidence, par peur des railleries. 97 % des Grecs sont orthodoxes dans ce pays non laïc où la plupart des chrétiens sont peu disposés à accepter d’autres religions. 

“Les orthodoxes nous voient comme une menace. On peut nous refuser un travail si l’on apprend que l’on est d’une autre croyance, avance le prêcheur. À l’école, c’est compliqué de demander à ce que nos enfants ne reçoivent pas d’éducation orthodoxe. Ce qu’on voudrait, au-delà d’être reconnu, c’est que l’Église et l’État se séparent, comme vous en France.” Et pointe des “contradictions”, quant à la reconnaissance d’Izée, “tolérée mais pas acceptée.” Pour lui, le combat est donc loin d’être achevé, et son organisation, en hausse constante d’adhérents et sympathisants affirme être prête à “mener le combat pendant des siècles s’il le faut, comme les chrétiens avant nous.”