En Grèce, la voiture électrique avance doucement

La Grèce fait partie des derniers pays de l’Union européenne en nombre de véhicules électriques. Ce mode de transport plus propre représente moins de 5 % des ventes annuelles en 2023. Si les achats sont de plus en plus nombreux ces dernières années, la voiture électrique peine à s’imposer faute de budget et de stations de rechargement.

Dans les rues d’Athènes, il faut passer du temps à regarder les voitures pour en trouver une dont le logo arbore un liseré bleu, symbole de son électrification. Les vieilles Mercedes, Peugeot ou Toyota sont en revanche très présentes dans la capitale grecque, au côté des motocyclettes à la forte odeur de pétrole. D’après l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), le parc automobile grec est le plus vieux de l’Union européenne, avec une moyenne d’âge de 17 ans. C’est 5 ans de plus que la moyenne européenne.

En Grèce, les véhicules électriques commencent doucement à se faire une place sur le marché automobile, avec moins de 5 % des voitures immatriculées dans le pays en 2023. Ce qui représente à peine 6 000 automobiles l’an dernier.

Pour promouvoir ce marché auprès du public et des instances gouvernementales, l’Institut hellénique du véhicule électrique multiplie les actions et les recommandations. Cette ONG promeut l’électrification auprès du public et donne des avis aux instances gouvernementales. Assis à une table au premier étage de l’hôtel Athenian Callirhoe au sud de l’Acropole, Evangelos Bekiaris vient de céder son fauteuil de président de l’Institut à son successeur. Il considère que le bilan des dernières années est quand même positif. “En 2017, il y avait à peine une cinquantaine de voitures électriques dans toute la Grèce. Aujourd’hui, nous sommes à 12 300.”

Malgré cette hausse rapide en quelques années, le ratio de reste de 0,0025% sur la flotte totale de véhicules dans le pays.

Un coût trop élevé pour le pouvoir d’achat

Le développement de ce modèle de transport se heurte à deux freins majeurs. Le premier est purement économique. Les voitures “familiales” électriques neuves les moins chères coûtent environ 40.000€. Incompatible avec un pouvoir d’achat malmené depuis la crise économique de 2008. D’après les chiffres de l’OCDE en 2022, le salaire moyen en Grèce est de près de 26.000 dollars. C’est deux fois moins qu’en France. “Même avec un apport de 10 ou 15.000€, les mensualités du prêt sont trop élevées pour la plupart des gens ici”, précise le concessionnaire d’une grande marque allemande.

Pour encourager les Grecs vers la transition électrique, le gouvernement a lancé il y a quatre ans un programme baptisé “Je me déplace électriquement”. Il propose plusieurs mesures : pas de coût pour la carte grise, et une aide à l’achat. D’après Evangelos Bekiaris, “ça représente 15 à 20% du prix, dans une limite de 6.000€. Cela couvre presque la différence entre le prix d’une voiture électrique et celui d’une voiture thermique.”

Ce sont surtout les taxis qui arborent le liseré bleu de l’électrification dans Athènes. L’Institut hellénique demande plus d’aides pour ces professionnels pour faciliter le passage à l’électrique. © Baptiste Roux

La deuxième barrière au développement du transport plus propre, c’est l’autonomie.“Les gens ne veulent pas de voiture pour rester uniquement à Athènes, décrypte le concessionnaire derrière son bureau, au milieu des voitures neuves. Quand un Grec achète une voiture, c’est pour pouvoir aller en vacances, à la montagne ou sur les îles. Avec les électriques, ce n’est pas possible.” Une grande partie du pays est montagneux. Le relief combiné aux températures plus froides en altitude réduisent l’autonomie des voitures. Par ailleurs, le réseau de chargeurs n’est pas assez développé pour pallier cette limite.

Le nombre de points de recharge a beaucoup évolué depuis trois ans, mais n’est pas encore suffisant pour rouler sans crainte de tomber en panne au milieu de nulle part. “Aller dans le Péloponnèse depuis Athènes, ça ne pose pas de problème tant qu’on est sur l’autoroute, explique le vendeur de voitures. Mais dès qu’on prend une sortie pour aller vers un village, on peut faire 300 kilomètres sans voir une station de recharge. Pour revenir ensuite, c’est compliqué !” Pour l’instant, on ne compte que 5.000 stations de recharge en Grèce, dont près de 20 % dans la région d’Athènes. En comparaison, la France compte plus de 100.000 bornes de recharge pour un territoire cinq fois plus grand que la Grèce.

Les points de recharge peuvent être bien cachés dans Athènes, comme dans ce parking souterrain où une seule prise a été installée. © Baptiste Roux

De nouveaux investissements prévus pour les points de recharge

La plupart des stations déjà installées sont détenues par la plus grande entreprise du pays, Hellenic Energy. Avec près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, le cœur de l’activité de l’entreprise est surtout basé sur le pétrole, mais elle investit dans l’électrification. Sa branche Elpefuture, dédiée aux mobilités propres, fait partie des membres corporatifs de l’Institut hellénique du véhicule électrique, ceux engagés dans les activités de l’institut. Le président de la branche, Spyros Kiartzis, souhaite poursuivre les investissements. “Nous voulons installer 7.000 nouvelles stations de rechargement dans les cinq prochaines années. Nous avons encore huit ans de retard sur les pays du Nord de l’Europe. Je pense que nous pouvons rattraper ce retard.”

À la sortie d’Athènes, une dizaine de chargeurs, dont plusieurs super-chargeurs Tesla ont été installés sur une aire d’autoroute. © Baptiste Roux

En ligne de mire : 2035 et la fin des moteurs thermiques dans l’UE. Mais Spyros Kiartzis sait qu’il reste de beaux jours au pétrole. “Après 2035, il faudra encore une vingtaine d’années avant de renouveler tout le parc automobile. On ne change pas tout en une fois.”

Astypalea, le modèle du futur

Si la République hellénique ne fait pas partie des bons élèves européens, elle promeut néanmoins des initiatives innovantes, comme celle menée actuellement sur l’île d’Astypalea. L’objectif est d’en faire un lieu où les transports n’émettent aucune émission de carbone d’ici à 2030. Pour cela, la flotte de véhicule sera entièrement électrique, chargée par de l’électricité venue d’énergies renouvelables, en majorité éolienne et solaire. « Un partenariat a été signé entre le gouvernement et le groupe allemand Volkswagen, explique l’ancien président de l’Institut hellénique du véhicule électrique, Evangelos Bekiaris. Sur l’île d’Astypalea, tous les transports se convertissent à l’électrique.” Grâce aux investissements, Astypalea pourraient incarner l’avenir des transports dans une trentaine d’années. Et même inspirer les voisins occidentaux de la Grèce.